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Initiation à la sociologie de l’éducation scolaire

Education Sociologie et Anthropologie

21 Mar 2016

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Couverture du livre "Sociologie de l'éducation"

Note de lecture de :

Patrick Rayou, Sociologie de l’éducation, Paris, Presses Universitaires de France, Collection Que-sais-je-?, 2015, 128 p.

Note de lecture publiée sur Nonfiction

Site web de l’éditeur : Presses Universitaires de France (PUF)

L’ouvrage se propose de faire le point sur les apports des recherches sociologiques traitant de l’éducation scolaire, principalement en contexte francophone. Il est divisé en quatre chapitres, qui présentent respectivement : les perspectives théoriques générales en sociologie de l’éducation ; les principales tendances des politiques éducatives récentes ; les divers acteurs éducatifs qu’on rencontre dans le champ scolaire ; enfin, les disparités dans les apprentissages scolaires.

L’auteur entame donc le premier chapitre en rappelant quelques apports des « travaux pionniers » de Durkheim en sociologie de l’éducation, et évoque la succession des courants théoriques qui ont pu, à sa suite, au XXème siècle, se saisir de la question éducative : holismes et sociologies critiques, individualisme méthodologique. À partir des années 1980, à travers les approches constructivistes, ont émergé un renouvellement des objets et méthodes, et, par-là, un certain métissage disciplinaire.

Patrick Rayou fait ensuite un point sur deux thèmes importants qui, corollaires l’un de l’autre, contribuent à poser un cadre général aux recherches sur l’éducation scolaire : la question des inégalités et celle de la socialisation. L’auteur souligne en effet que les inégalités scolaires, toujours d’actualité, peuvent notamment prendre racine dans la socialisation familiale vécue par l’enfant, car les « styles éducatifs »  et les « dispositions »  culturelles et langagières héritées par ce dernier ont une influence déterminante sur son parcours scolaire. Par ailleurs, les enfants se socialisent également eux-mêmes, à travers des groupes de pairs qui permettent d’affronter les épreuves scolaires et sociales. L’auteur attire enfin l’attention sur deux thématiques connexes qui émergent depuis la fin du XXème siècle : le « genre » et la « diversité » . Ces deux sujets sont progressivement pris en compte dans les recherches sur l’inégalité scolaire, mais il demeure encore beaucoup de questions sur les façons de les appréhender.

Le deuxième chapitre démarre sur l’observation que la « globalisation » touche également les systèmes éducatifs en tant que tels, bien que les  matrices nationales  perdurent, engendrant ainsi des hybridations des dispositions internationales en matière de politiques scolaires. Ainsi, d’après l’auteur et les recherches qu’il mobilise, en France le système éducatif reste marqué par un  élitisme, un  dualisme et une forte emprise scolaire sur la réussite sociale, malgré les principes universalistes de base. Les idéaux de justice, de laïcité, de  service public, notamment, sont donc intensément remis en question par le contexte général très inégalitaire. Il peut donc être observé un certain « déclin de l’institution scolaire », en lieu et place de laquelle se développent divers  dispositifs qui cherchent à adapter ses mécanismes et palier ses dysfonctionnements. C’est en effet depuis la fin des Trente Glorieuses à peu près que se sont réenclenchées une multitude d’inégalités (des chances, des orientations scolaires, etc.), face auxquelles on a d’ailleurs commencé à mobiliser le concept de « décrochage scolaire », celui-ci évoluant non sans certaines ambiguïtés sur la façon dont il recouvre une diversité de phénomènes. L’auteur achève ce deuxième chapitre en insistant sur le développement d’un fort dualisme à plusieurs niveaux (entre filières professionnelles et générales, entre secteurs public et privé, entre territoires, etc.), et sur la persistance de nombreuses disparités scolaires.

Le troisième chapitre se centre sur les quatre principales catégories d’acteurs rencontrés dans le champ scolaire, leurs statuts et stratégies, en référence notamment aux théories d’Anthony Giddens sur les acteurs du monde social et leurs capacités réflexives. Patrick Rayou commence par évoquer les évolutions de la condition enseignante, et les nombreuses incertitudes et difficultés qui se déploient actuellement parallèlement à la reconfiguration de leur statut, métier et missions. L’auteur fait ensuite observer que les élèves eux-mêmes peuvent avoir des attentes très différentes par rapport à l’école, et que leurs réticences et modes de résistance peuvent se traduire dans les résultats scolaires. Les familles de ces derniers sont aussi des acteurs à part entière, dont les visées, stratégies et inégalités dans les ressources mobilisables, doivent entrer en compte dans la compréhension du champ scolaire. Enfin, les chefs d’établissements ont des fonctions très variables selon les contextes (premier ou second degré, établissements difficiles ou pas…), et selon les réformes en cours, qui peuvent justement générer des tensions entre les enseignants et leurs hiérarchies. L’auteur termine donc le chapitre en soulignant l’intérêt, pour tous les acteurs, de convier notamment les élèves et les enseignants aux négociations et aux prises de décisions dans un établissement scolaire.

Le quatrième et dernier chapitre se centre quant à lui sur les disparités observables dans les savoirs et apprentissages scolaires. Patrick Rayou commence par rappeler qu’on parle de « forme scolaire » pour bien signifier que les savoirs et processus d’apprentissage à l’école sont particuliers par rapport à d’autres espaces (tels la famille, le groupe de pairs…). On appelle donc sociologie des curriculums l’étude sociologique de ces savoirs scolaires. L’auteur fait ensuite observer que ces savoirs et les disciplines auxquelles ils sont éventuellement reliés sont des « constructions » qui évoluent dans le temps. Elles nécessitent, de la part de l’élève, une maîtrise réflexive de la langue et des hiérarchies des savoirs. Les pédagogies scolaires elles aussi évoluent dans le temps – actuellement, en l’occurrence, vers davantage d’« expressivité » des élèves. Cependant, les contrats didactiques, tacitement passés entre enseignants et élèves, peuvent produire de la différenciation au sein de ces derniers. C’est le cas, par exemple, des devoirs à faire à la maison, qui ont une forte tendance à renforcer les inégalités et différenciations entre élèves. Enfin, l’évaluation des élèves, leurs niveaux, les processus d’étiquetage qu’ils expérimentent en dehors des notes, sont des phénomènes eux aussi construits socialement, et donc évolutifs dans le temps. À l’image de la notion de  compétence, ces modèles peuvent s’inspirer de ce qui a cours dans d’autres espaces sociaux que l’école.

Patrick Rayou conclut brièvement son ouvrage en évoquant la tendance qu’a la sociologie en général à « compliquer le réel », et à extraire celui-ci de modèles explicatifs réducteurs. C’est effectivement ce qu’on peut observer après avoir lu ce petit ouvrage : on prend connaissance d’une grande variété de phénomènes intriqués, de niveaux d’analyse et d’interprétations possibles, qui rendent l’éducation scolaire plus riche et plus subtile à analyser qu’elle n’y paraît a priori. D’après l’auteur, c’est cette tendance même à compliquer le réel qui peut donner le sentiment que la sociologie paralyse l’action en rendant incertaine toute interprétation générale, ou toute proposition de solution. Comme Rayou y invite donc le lecteur, il faut alors se plonger plus avant dans cette science sociale, et, dépassant alors le cadre d’un petit ouvrage introductif (mais très complet), chercher à enrichir l’analyse, pour ne pas « malmener » la science – ou son sujet.

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