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La construction identitaire des jeunes dans des sociétés multiculturelles

Sociologie et Anthropologie

19 Oct 2021

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Couverture du livre "L'identité des jeunes en contexte minoritaire"

Note de lecture : 

Annie PILOTE et Silvio MARCUS DE SOUZA CORREA, 2010, L’identité des jeunes en contexte minoritaire. Québec, Les Presses de l’Université Laval, coll. « Regards sur la jeunesse du monde », 184 p.

Site de l’éditeur Presses universitaires de Laval

Note de lecture diffusée dans la revue québécoise Anthropologie et sociétés

Le présent ouvrage rassemble neuf contributions de sociologues et d’anthropologues canadiens et brésiliens travaillant les thématiques des identités culturelles, de la jeunesse et des phénomènes migratoires. Partant du constat que les controverses sur les «appartenances» ne peuvent se résoudre à l’opposition entre «universalisme» et «communautarisme», l’objectif du livre est de tenter de mieux saisir la complexité des phénomènes identitaires en contexte minoritaire. Misant sur une sociologie de l’expérience inspirée des travaux français (Dubet, Wieviorka) ainsi que des écoles interactionnistes, les auteurs souhaitent interroger l’« ambivalence identitaire » dans laquelle se trouvent certains groupes de jeunes héritiers de phénomènes migratoires au Brésil et au Canada. En lien avec le constat introductif d’une « multi-appartenance » de plus en plus prégnante, l’ouvrage propose de saisir ces questions de façon multidimensionnelle, et se découpe donc en trois parties : la première concerne des «minorités linguistiques» ; la deuxième partie évoque des «minorités ethniques» ; la dernière se centre sur des «minorités religieuses». Chaque partie se compose de deux à trois monographies tirées des recherches empiriques, diverses et variées, des auteurs.

Les contributions s’attachent ensuite à mettre en valeur la complexité des modes d’appartenance observés et du rapport aux références identitaires assignées ou revendiquées. Centré sur des groupes de jeunes, l’ouvrage donne à voir un certain attachement aux normes majoritaires de la société dans laquelle ils ont grandi (Canada ou Brésil), et par conséquent un tiraillement avec les normes minoritaires adoptées dans le cadre de la socialisation familiale ou communautaire, notamment. En ce sens, les jeunes autochtones canadiens, les jeunes juifs, les métis, les jeunes Brésiliens d’origine allemande – principaux sujets d’étude des contributions – ont notamment en commun avec les jeunes de la société majoritaire une identité qui peut apparaître fragmentée, à travers des « appartenances paradoxales » et multiples. Les auteurs pointent donc souvent le risque de réification ou d’essentialisation qu’encourent les acteurs lorsqu’ils ne sont analysés, ou entendus, qu’à travers une seule étiquette culturelle figée. Les contributions donnent ainsi à voir de grands écarts dans les positionnements des acteurs, d’une génération à l’autre notamment, mais aussi dans la manipulation stratégique des revendications identitaires – celles-ci pouvant procurer une meilleure reconnaissance sociale et institutionnelle, ou, à l’inverse, être un vecteur de stigmatisation, voire de discrimination.

En fin de compte, comme le pointe la conclusion de l’ouvrage, les présentes monographies font ressortir l’importance de la dimension historique des processus étudiés, celle-ci étant au moins aussi grande que l’intérêt porté aux processus de socialisation des groupes de jeunes étudiés. Partant, les constats semblent se rejoindre autour de la question clé qu’est celle de la « transmission » intergénérationnelle, notamment dans la perspective de la « survie du groupe ». La conclusion s’attarde ensuite à dégager les quatre principales conditions à la réussite de la « construction identitaire » des jeunes générations des groupes minoritaires : l’efficacité des instances de socialisation mises en place par ou autour du groupe (au premier rang desquelles on trouve le système scolaire) ; la « cohésion interne » du groupe en question ; les avantages stratégiques de la revendication d’appartenance ; la teneur des signes de reconnaissance sociale et d’identification attribués aux membres du groupe par le reste de la société.

Ainsi, comme le soulèvent les dernières lignes de l’ouvrage, s’intéresser à la construction identitaire des jeunes issus de groupes minoritaires, c’est aussi, inévitablement, s’intéresser à la perpétuation de ces groupes même à travers les jeunes générations. On appréciera que l’ouvrage s’achève en restituant une série de questions que soulève cette perspective, qui, effectivement, pour l’observateur français en l’occurrence, peut s’avérer très stimulante. Comme le soulignent en effet certaines contributions, nos sociétés modernes sont traversées par des processus généraux pouvant générer une reconfiguration des appartenances identitaires. Dans ce contexte, la consolidation du lien social semble devoir passer, en France, au Canada comme au Brésil, par la reconnaissance de cette « multi-appartenance » qui caractérise un nombre sans cesse croissant de jeunes ; avec l’espoir que ceux-ci ne subissent plus leur condition d’héritiers de la « multiculturalité » (comme on le dit en Europe), mais se voient enfin attribué le rôle de ressource sociale que devrait toujours représenter la jeunesse.

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