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Les sensations contre la spéculation ? Feuerbach et les débuts du matérialisme

Philosophie

02 Nov 2022

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couverture du livre de Feuerbach "Pour une réforme de la philosophie"

Note de lecture de : 

Ludwig Feuerbach, 2004, Pour une réforme de la philosophie, Paris, Mille et une nuits, traduit par Yannis Constantinidès

Présentation de l’éditeur : 

D’abord disciple enthousiaste de Hegel, Ludwig Feuerbach (1804-1872) pousse sa fidélité au programme de l’idéalisme allemand jusqu’à le dépasser. Dans une série de textes incisifs des années 1840, dont les Thèses provisoires en vue d’une réforme de la philosophie, il formule sa « philosophie de l’avenir » qui, pour surmonter le dualisme ascétique, se propose de réconcilier le cour et la tête, la chair et l’esprit, l’essence et l’existence. Avant Nietzsche, l’auteur de L’Essence du christianisme s’emploie à démasquer les forces d’aliénation à l’oeuvre dans toute philosophie de l’Absolu.

Ludwig Feuerbach (1804-1872) a été un des philosophes qui ont le plus influencé Karl Marx et qui ont permis le développement d’une approche dite « matérialiste », qui dépasse la pensée spéculative de Hegel. Le présent recueil est composé de 4 quatre textes relativement courts des années 1840 dans lesquels Feuerbach présente les bases de la nouvelle philosophie qu’il appelle de ses voeux.

Yannis Constantinidès, qui rédige la postface, estime que le projet de Feuerbach est de dépasser les relants de théologie dans l’idéalisme spéculatif et réaccorder la philosophie et la vie sensible. « Il convient donc de voir dans l’abstraction une forme d’aliénation volontaire » (p.83). Feuerbach critique les systèmes philosophiques : « il considère la volonté de système elle-même comme pathologique » (p.84). Il veut que la philosophie ne soit plus « théologie déguisée » et redevienne une vraie « sagesse de vie » (p.84-85). Il s’agit de « renaturaliser la philosophie » (p.86-87). Cette édition contient également, à la fin, des indications biographiques sur Feuerbach.

À propos du « Commencement de la philosophie » (1841) p. 7-22

Le premier texte insiste sur le fait que la pensée qui veut vraiment saisir le réel ne peut se développer qu’à partir des sensations et donc des cinq sens, et non pas à partir d’une idée abstraite.

La philosophie rend le réel « objectif » (objet de science) (p.8-9) « Qu’est-ce que le non-objectif ? Tout ce qui est – si sensible, si commun, si banal soit-il, tant que ce n’est encore qu’un objet du plaisir de vivre ou de la considération commune et non de la science » (p.8).

Pour rendre le réel « objectif », la philosophie doit partir du réel lui-même, de l’empirie. « Le philosophe doit se laisser guider par les sens » (p.11). Il lui faut « admettre que voir est aussi penser et que les instruments des sens sont également organes de la philosophie » (p.10-11). « La philosophie ne finit pas par découvrir la réalité, mais au contraire commence par la réalité […] L’esprit suit les sens et non les sens l’esprit ; l’esprit est la fin, non le commencement des choses » (p.11). En effet, « qui commence par la réalité et demeure en elle ne cesse jamais de ressentir le besoin de philosopher : l’empirie le laisse à chaque pas sur sa faim et l’oblige à revenir à la pensée » (p.11).

Le Moi est en partie défini par l’objet auquel il se rapporte (p.15-16). Le Moi est en partie défini par les sens : « ce que tu es – toi-même, dis-je, et non seulement ton corps – n’est sans les sens ou avec des sens imparfaits qu’un lamentable infirme » (p.18). Le « Moi spéculatif » refuse de se concevoir comme lié au corps, il se voit comme « le » Moi (p. 18). Pourtant, « le Moi est incarné » : il doit emprunter au corporel et aux objets extérieurs de quoi répondre à ses besoins : « les facultés propres au Moi ne lui permettent en aucun cas de satisfaire tous ses besoins ; il doit alors emprunter les moyens qui lui font défaut au monde objectif, en tenant compte de ses propres possibilités corporelles » (p.19).

Par conséquent, « il n’est pas  vrai du tout que le Moi est Moi « de son propre fait » : il est Moi par le fait qu’il est un être de chair et par le corps « ouvert au monde ». Le corps représente face au Moi abstrait le monde objectif. À cause du corps, le Moi n’est pas Moi, mais objet. Être dans le corps, c’est être dans le monde. Autant de sens – autant de pores, autant  de points faibles. Le corps n’est rien d’autre que le Moi poreux » (p.20).

Ainsi, la sensation et la perception sont déterminées par les objets extérieurs (exemple : chaleur, lumière…) : « voir sans lumière est comme respirer sans air » (p.21). Il y a un « Non-Moi » dans le Moi, qui le conditionne : « la litanie monotone de l’éternel Moi = Moi ne mène nulle part » (p.21)

Nécessité d’une réforme de la philosophie (1842), p. 23-34

Le deuxième texte du recueil justifie en quoi il est fondamental pour Feuerbach de « réformer » la philosophie afin qu’elle serve désormais les intérêts réels de l’humanité. Dénonçant la servitude et notamment le christianisme, ce texte se fait un peu plus politique, et l’on comprend qu’avec de telles positions, Feuerbach ait pu influencer l’émergence du socialisme allemande.

La philosophie doit évoluer avec les humains et répondre à leurs besoins. Marquer l’histoire de la philosophie et l’histoire de l’humanité n’est pas la même chose… (p.23) La philosophie doit évoluer mais sans étudier la question du changement requis uniquement sous l’angle philosophique au risque de le réduire à une « querelle d’école ». La philosophie doit adopter une « réforme » qui réponde aux « besoins du temps présent et de l’humanité » (p.24).

« Seul qui a le courage d’être absolument négatif a le pouvoir de créer du nouveau » (p.25).

« Un mouvement historique ne va au fond des choses qu’en s’insinuant dans le cœur de l’homme » (p.25).

Sans qu’on se l’avoue, le christianisme est en déclin car il ne répond plus aux besoins des humains (p.25-27), sa négation devient petit à petit  consciente car il s’est compromis avec les adversaires de « l’aspiration fondamentale de l’humanité présente : l’aspiration à la liberté politique » (p.27). Il faut une nouvelle philosophie : « la philosophie se substitue à la religion », mais sans pour autant la remplacer (la philosophie ne doit pas devenir religion : « nous ne voulons plus de théologie ») (p.28).

Des hommes qui ne sont plus écartelés entre seigneur céleste et seigneur terrestre, qui se jettent dans la réalité avec une âme indivise, sont d’autres hommes que ceux qui vivent dans le déchirement […] Tout  comme l’homme a remplacé le chrétien dans la pratique, il faut que dans la théorie aussi l’essence humaine remplace l’essence divine

Feuerbach, p.29

Il faut passer à « l’athéisme, l’abandon d’un Dieu distinct de l’homme » (p.30). Aiguillée par un « principe suprême », « la politique doit devenir notre religion » (p.29), dans le sens où l’État étant une somme d’individus se déterminant eux-mêmes, ils doivent orienter leur pratique en fonction de ces enjeux : « les hommes sont dans l’État pour y être sans Dieu ; l’État est le Dieu des hommes » (p.31). En effet, « l’humanité aspire dans la pratique à la politique, c’est-à-dire à une participation plus active aux affaires de l’État, à la suppression de la hiérarchie politique et de la déraison du peuple (…) » (p.32).

L’ère nouvelle qui s’est ouverte avec la « dissolution » de la chrétienté est celle du réalisme : « si nous concevons un être distinct de l’homme pour principe et être suprêmes, alors la distinction de l’abstrait et de l’homme demeurera condition permanente de la connaissance de cet être, et nous n’atteindrons jamais à l’unité immédiate avec nous-mêmes, avec le monde, avec la réalité ; pour accéder au monde, nous devrons passer par un autre, un tiers […] nous serons constamment en prise avec le conflit de la théorie et de la pratique, ayant dans la tête une autre essence que dans le cœur, l’ « Esprit absolu » dans la tête et l’homme dans la vie » (p.33).

« Il te faut servir ici-bas, sans quoi le ciel n’a pas lieu d’être » (p.34)

Thèses provisoires en vue d’une réforme de la philosophie (1842), p.35-69

Le troisième texte est un ensemble d’aphorismes sur la théologie, Spinoza, Hegel (l’Esprit absolu), la philosophie spéculative… pour une prise en compte des limites, des besoins, du matérialisme, du sensualisme. Il finit sur ce que sera la « philosophie nouvelle ». On peut cependant observer une contradiction dans ces écrits : à l’encontre de son approche « réaliste » et « sensualiste », Feuerbach ne fait que parler de « l’homme » tout du long – concept parfaitement abstrait ! (on peut se demander si c’est un effet de la traduction ?)

« Il nous faut donc inverser la philosophie spéculative de façon à dévoiler la réalité pure et nue » (p.38).

Autre définition de l’indétermination :

« D’un point de vue psychologique, l’absolu ou infini de la philosophie spéculative n’est rien d’autre que l’indéterminé, l’indéfini – ce qui fait abstraction de toute détermination, posé comme un être distinct de cette abstraction, mais en même temps identifié à elle ; d’un point de vue historique, il n’est rien d’autre que le vieil être ou monstre théologico-métaphysique, ni fini, ni humain, ni matériel, ni déterminé, ni caractérisé – le néant précédent le monde actualisé » (p.39).

Sur Hegel et l’aliénation :

« Tout comme la théologie commence par diviser et aliéner l’homme pour ensuite l’identifier de nouveau à son essence aliénée, Hegel commence par fragmenter et morceler l’essence simple, identique à soi, de la nature et de l’homme, pour réconcilier de force ce qu’il a de force séparé » (p.40). « La théologie est croyance aux fantômes » (p.42).

Sur l’art :

« L’art est la preuve flagrante que l’Esprit absolu est l’esprit dit fini, subjectif, que l’on ne peut ni ne doit les séparer. L’art procède du sentiment que la vie ici-bas est la vraie vie, que le fini est l’infini ; il naît de l’enthousiasme, qui permet de reconnaître dans un déterminé et réel l’être suprême et divin » (p.43).

« La croyance en l’au-delà est tout à fait dépourvue de poésie. La poésie puise à la source de la souffrance (…) L’aiguillon douloureux du souvenir, de ce qui n’est plus, est sans doute le premier artiste, le premier idéaliste en l’homme » (p.44).

Sur la démarche philosophique :

« 28. La philosophie commence par le fini, le déterminé, le réel. On ne peut guère penser l’infini sans le fini. Peux-tu penser, définir la qualité sans penser à une qualité déterminée ? Ce n’est donc pas l’indéterminé, mais le déterminé qui vient en premier, car la qualité déterminée n’est rien d’autre que la qualité réelle ; celle-ci précède la qualité pensée.

29. L’origine et la démarche subjectives de la philosophie en sont aussi l’origine et la démarche objectives. Avant d’être pensée, la qualité est ressentie. La passion précède la pensée » (p.46-47).

« Le chemin de l’abstrait au concret, de l’idéal au réel, emprunté jusqu’ici par la philosophie spéculative, est le mauvais. Cette voie ne mène jamais à la réalité vraie et objective, mais seulement à la réalisation de ses propres abstractions, et pour cette raison jamais à l’authentique liberté de l’esprit » (p.48).

« La philosophie est la connaissance de ce qui est (…) L’être, par lequel commence la philosophie, ne saurait être séparé de la conscience, ni celle-ci de l’être (…) La conscience seule est l’unité réelle de l’esprit et de la nature » (p.49).

« L’espace et le temps sont les formes qui rendent possible l’existence de tout être. Seule mérite le nom d’existence celle inscrite dans l’espace et le temps (…) Une sensation, une volonté, une pensée, un être intemporels sont des chimères » (p.50). « L’espace et le temps sont les premiers critères de la pratique » (p.50).

« La philosophie spéculative a fait du développement hors du temps une forme, un attribut de l’absolu. Séparer ainsi le développement du temps est un véritable chef-d’œuvre d’arbitraire spéculatif et fournit la preuve flagrante que les philosophes spéculatifs ont procédé avec leur absolu comme les théologiens avec leur Dieu qui, tout en étant dépourvu de passion, éprouve toutes les passions humaines, aime sans amour, se courrouce sans courroux. Le développement sans le temps équivaut au développement sans développement… » (p.51).

« Seul l’être souffrant est nécessaire. Une existence sans besoins est superflue. Celui qui est dépourvu de tout besoin en général n’éprouve pas non plus le besoin d’exister (…) Un être sans manque n’a pas non plus de raison d’être. Seul qui peut pâtir mérite d’exister » (p.52).

Les instruments de la philosophie sont la tête et le cœur : il faut introduire en philosophie le non-philosophique, l’opposé de la pensée abstraite (p.53). « La philosophie est à l’image du philosophe, et inversement » (p.54).

Il propose l’anthropothéisme, philosophie nouvelle fondée sur l’anthropologie : « l’anthropothéisme est la religion consciente de soi, la religion qui se comprend elle-même. La théologie, au contraire, nie la religion tout en feignant de l’affirmer » (p.57). Pour dépasser la théologie il faut dépasser la philosophie hégélienne (p.58-60).

« Le vrai rapport de la pensée à l’être se réduit à ceci : l’être est le sujet, la pensée le précidat. La pensée provient de l’être et non l’être de la pensée » (p.61).

« La philosophie nouvelle, la seule positive, est la négation de toute philosophie d’école – bien qu’elle en conserve en elle-même la vérité –, la négation de la philosophie entendue comme qualité abstraite, particulière, scolastique : elle n’a aucun mot de passe, nulle langue propre, point de nom ou principe singulier ; elle est l’homme pensant même, qui est, et sait qu’il est, l’essence consciente de soi de la nature » (p.63).

La philosophie nouvelle s’enracine dans l’homme en tant que conscience de soi (p.65). Il faut se pencher sur ce terme : « le terme d’homme ne désigne communément que l’homme avec ses besoins, ses sensations, ses opinions – l’homme entendu comme personne distincte de son esprit et de ses qualités publiques en général –, l’homme distingué par exemple de l’artiste, du penseur, de l’écrivain, du juge, comme si la qualité de penseur, d’artiste, de juge, etc., n’était pas une propriété caractéristique et essentielle de l’homme ; comme si dans l’art, la science, etc., l’homme était hors de soi (…) » (p.66).

« Toute spéculation sur le droit, la volonté, la liberté, la responsabilité qui fait l’économie de l’homme, se situe hors de lui ou même au-dessus de lui est une spéculation sans unité, sans nécessité, sans substance, sans fondement et sans réalité. L’homme est la liberté, la personnalité, le droit incarnés » (p.67).

« Toutes les sciences doivent se fonder sur la nature. Une théorie n’est qu’une hypothèse tant qu’elle n’a pas trouvé de fondement naturel. Cela vaut en particulier pour la doctrine de la liberté. Seule la philosophie nouvelle parviendra à naturaliser la liberté » (p.67).

Remarques critiques concernant les « Principes de la philosophie » (1848-1849), p. 71-79

Dans ce dernier texte, Feuerbach postule que les sens et l’entendement sont intimement liés. L’un sans l’autre sont « insignifiants ». Mais notre culture se spiritualise trop et s’est coupée du sensible.

L’être pensant est éloigné de l’homme. « Il n’est d’immédiatement certain que le sensible » (p.71). Pourtant, l’éducation nous éloigne des sens : « ainsi la vérité des sens devient-elle pour nous autres, habitués depuis l’enfance à condamner les sens comme mécréants et à adorer l’être sans corps ni sens comme la seule entité vraiment divine, quelque chose d’atroce et d’absurde » (p.73). Lui considère que les sens sont « le critère, c’est-à-dire la marque et le fondement, de l’homme et de la réalité. Non certes les sens bestiaux mais humains ; ni même sens en soi, les sens sans tête, sans entendement, sans pensée (…) Tout aussi insignifiante que la sensibilité sans la pensée est la pensée, la raison, sans les sens ; car seuls les sens me donnent des objets, des êtres, réels et véritables » (p.73-74).

Les sens et l’entendement sont liés : « de même que seule la combinaison de plusieurs mots donne une phrase, un sens, de même un objet sensible ne devient un objet de mon entendement, quelque chose dont je connais la nature, que lorsque j’en rapproche les diverses propriétés, telles que me les manifestent les divers sens » (p.74).

« La pensée dépiste l’unique, le même, le général, l’arrache aux phénomènes et le met en lumière ; mais pour trouver celui-ci, il lui faut avoir perçu les phénomènes sensibles de façon sensible » (p.75). Il prend l’exemple de l’observation de la pluie par la « sensibilité brute » et par la science : « l’observation raisonnée relie des faits sensibles de diverses natures n’ayant à première vue rien en commun, pour en faire un tout, les mettre en contexte, et ce n’est que lorsque l’homme s’élève à une telle mise en relation du perçu sensible qu’il pense. En nous élevant au point de vue de la pensée, nous ne gagnons pas pour autant un autre monde, un royaume des esprits, un monde intelligible supraterrestre ; nous restons sur le sol que nous connaissons, la terre, la sensibilité ; nous ne faisons que nous placer sur le plan d’une observation sensible élargie, illimitée, universelle. Penser n’est d’abord rien d’autre que percevoir et traduire en concepts la multitude et la diversité des choses. Toute activité conceptuelle requiert une observation plus ou moins vaste » (p.76-77).

Pour lui, plus une culture devient spirituelle, plus elle s’appuie sur les traditions et se coupe des sens : « c’est aussi à ce niveau, où la tradition, orale ou écrite, dispense l’homme de l’observation immédiate, que l’être humain s’aliène ses sens, oublie qu’ils sont à l’origine de la connaissance, met la connaissance médiate, traditionnelle, savante au-dessus de l’immédiate (…) Il n’y a donc pas lieu de s’étonner de ce que l’homme perde complètement de vue à ce stade la valeur et l’importance des sens ; de ce que ces derniers se voient rabaissés du rang de maîtres qu’ils avaient à l’origine à celui d’auxiliaires, au service des plus grossiers besoins vitaux ; de ce que l’homme même s’en trouve mutilé, infirme, fantomatique et perde la saine raison en même temps que les sens. A ce stade, le passé fait oublier à l’homme le présent, ce qui n’est plus lui fait oublier ce qui est » (p.77-78). Tant et si bien que tout ce qui n’est pas objet d’érudition est mort pour les penseurs. « Cette perversion caractéristique de notre culture rend urgent que nous rétablissions le juste état des choses, replacions la fin au-dessus des moyens et revenions à la source originelle, à la nature sous tous les rapports » (p.79).

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