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L’indépendance, meilleure réponse au besoin d’autonomie ? (entretien)

Travail social

20 Juin 2022

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Interview :

Audrey Guiller, 2022, « L’indépendance, meilleure réponse au besoin d’autonomie ? Entretien avec Jonathan Louli », dans Le Média Social, Longs formats : « En choisissant le libéral, ils bousculent le travail social », le 20 janvier 2022

Article diffusé en ligne (réservé aux abonné·es) sur le site du magazine Le Média social

Présentation : 

Faisant suite à un article que j’avais publié sur le travail social indépendant dans Les Cahiers de l’Actif en 2020, un entretien pour Le Média Social dans le cadre d’un reportage « Long format » sur le travail social en libéral par Audrey Guiller


Le Média Social (LMS) : Pourquoi la question de l’autonomie est-elle si cruciale pour les travailleurs sociaux ?


Jonathan Louli : Le travail social est fondé sur la relation entre une personne accompagnée et une accompagnante. Avec cette idée que si l’accompagnant veut répondre correctement aux besoins de l’accompagné, il doit pouvoir s’adapter au maximum à cette personne. Il a donc besoin d’autonomie dans ses pratiques, d’une marge de manœuvre suffisante pour composer avec le rythme de la personne, ses réussites, ses revirements, son évolution. L’autonomie sert à s’adapter à la vie.

LMS : Qu’entend-on exactement par autonomie ?

J. L. : Être autonome, c’est se fixer soi-même ses objectifs, donner du sens à son activité sans qu’une personne ou une instance extérieure vienne poser la norme de la pratique. C’est, par exemple, gérer soi-même son temps, son planning, sa disponibilité pour les personnes accompagnées.


LMS : Le travail indépendant est-il une recherche d’autonomie ?


J. L. : Oui, si je compile mes recherches et les retours d’expériences de nombreux collègues de différents secteurs, je constate qu’une minorité de travailleurs sociaux salariés se sent autonome. Beaucoup déplorent un contexte d’industrialisation du travail social, l’accroissement des contraintes budgétaires, gestionnaires, administratives, et des procédures imposées. Ils tentent donc de déserter tout rapport de subordination salariale en expérimentant le travail social indépendant.

LMS : Quitter le salariat est-il la seule réponse ?


J. L. : Non, à l’intérieur des institutions, plusieurs mouvements très différents s’inscrivent aussi dans cette recherche d’autonomie. Au nom de l’indépendance du travail social vis-à-vis d’une logique libérale, de nombreux professionnels appellent à un renforcement de l’État-providence : le meilleur garant, selon eux, de la protection des plus fragiles.
D’autres dénoncent au contraire le contrôle accru de cet État-providence sur les usagers citoyens et sur leurs pratiques professionnelles. Ils remettent en question la logique d’appels à projets, de cahiers des charges, d’évaluations.
D’autres enfin, pour se sentir autonomes, trafiquent la façon dont ils rendent des comptes, quand ils jugent que les indicateurs imposés sont sans rapport avec la réalité de leur activité. Finalement, toutes et tous cherchent la même chose : travailler avec l’autonomie adéquate pour soutenir les personnes accompagnées dans le développement de la leur.

LMS : Quelles sont les limites de l’autonomie du travailleur indépendant ?


J. L. : Le travailleur social en libéral est dépendant d’une logique marchande. Pour être rémunéré, il doit obtenir des contrats. Avec le Covid et les confinements, certains ont mis la clé sous la porte. Par ailleurs, le professionnel n’est pas complètement indépendant vis-à-vis des clients, notamment institutionnels : il se retrouve sous-traitant de celui qui paie l’accompagnement.

LMS : Quelle est la meilleure réponse au besoin d’autonomie ?


J. L. : Il n’y en a pas. Mais, personnellement, le modèle de la coopérative m’intéresse. Les professionnels sont tous salariés de la coopérative, à laquelle ils reversent un pourcentage de leur activité. Ce statut permet la création d’un collectif de professionnels qui sont liés, peuvent échanger sur leurs pratiques et se réguler mutuellement.
Les personnes décident ensemble et en autogestion. C’est un système plus démocratique que le service public et les associations, très hiérarchisées. La coopérative permet aussi d’inclure des usagers, qui deviennent réellement partie prenante des décisions.

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